- LIANG QICHAO
- LIANG QICHAOLIANG QICHAO [LEANG K’I-TCH’AO] (1873-1929)Le plus important chef de file des lettrés réformistes chinois au début du XXe siècle, Liang Qichao fut le plus illustre élève de Kang Youwei. Ce fils de paysan, d’origine cantonaise, passe le premier grade des concours impériaux à l’âge de onze ans. Sa profonde connaissance des classiques lui permet d’obtenir le titre de juren (équivalant approximativement au diplôme des grandes écoles de France) dès l’âge de seize ans. Mais sa carrière universitaire s’arrête là. Il tenta en vain, à plusieurs reprises, de subir avec succès le concours métropolitain de qinshi , équivalant au doctorat ès lettres et donnant accès aux grades les plus élevés de la fonction publique. De retour de la capitale, à la suite de son premier échec, le jeune étudiant vint à Shanghai, où il découvrit la culture occidentale à travers les traductions de plus en plus nombreuses qui paraissaient dans ce grand centre international. Décidé à suivre cette voie nouvelle afin de rénover la civilisation chinoise, il retourna à Canton, où Kang Youwei, qui partageait ses idées, avait ouvert un collège. Liang devient ainsi l’élève et, bientôt, l’assistant de Kang.En 1895, quand, à la suite de la guerre sino-japonaise et du traité de Shimonoseki, la Chine doit céder Formose au Japon, Liang organise le premier mouvement de réforme nationaliste pour s’opposer à ce traité humiliant. L’organisation est interdite l’année suivante; Liang est dégradé et tous ses biens sont confisqués. Il se rend à Shanghai, où il fonde un journal réformiste. En quelques années, il organise un puissant mouvement, notamment en faveur des femmes chinoises, pour lesquelles il ouvre la première école publique. Il part aussi en guerre contre la coutume qui consiste à bander les pieds. L’homme d’État réformateur Chen Baozhen l’engage comme secrétaire personnel et le nomme préfet du Hunan, à Changsha. Liang y fonde une association pour promouvoir l’installation en Chine d’un régime démocratique, prônant notamment la monarchie constitutionnelle et la souveraineté populaire. Quand, en 1898, le jeune empereur Guangxu esquisse timidement un mouvement de réforme en ce sens, Kang Youwei et Liang Qichao sont appelés à la cour pour en assurer la direction. C’est la fameuse «réforme des cent jours». Liang s’efforce surtout de faire traduire le plus grand nombre possible d’ouvrages occidentaux tels que le Contrat social de Rousseau et les œuvres de Stuart Mill. Mais le mouvement se heurte rapidement à l’opposition de l’impératrice douairière Cixi, qui prend le contrôle de la situation et lance un mandat d’arrêt contre Liang. Celui-ci obtient asile à l’ambassade japonaise et va ensuite s’établir au Japon. Là, de jeunes étudiants chinois, sous la direction de Sun Yat-sen, ont déjà constitué un groupe d’action visant à renverser la dynastie mandchoue et à instaurer la république. Liang refuse de s’allier à leur cause et poursuit sa propagande en faveur d’une révision constitutionnelle qui conserverait la monarchie. En même temps, l’occidentalisation croissante de sa pensée le conduit à rejeter le confucianisme. Dorénavant, il se trouve donc en opposition avec son maître Kang Youwei qui, vers la même époque, découvre dans les classiques confucéens des doctrines qui, selon lui, doivent sauver la Chine.Grâcié en 1906, Liang retourne en Chine pour préparer la première constitution de ce pays. Mais, de nouveau, ses efforts se heurtent à la résistance du mandarinat réactionnaire. Yuan Shikai, l’homme fort du régime, finit par interdire le mouvement constitutionnel. Bientôt, modernistes et réactionnaires sont pris de court par les événements. Les révoltes de 1911 aboutissent à la proclamation de la république. En 1912, le parti de Sun Yat-sen l’emporte et Liang n’hésite pas à se rallier. Le régime démocratique voit naître une pléthore de partis politiques. D’abord, le Guomindang garde la suprématie, mais, en 1913, un nouveau parti fondé par Liang, le Jinbudang, l’emporte aux élections. Sun Yat-sen se retire, et Yuan Shikai, maintenant l’allié de Liang, devient président de la République. Mais voici que le vieux mandarin veut devenir à son tour empereur. Ce revirement, qui est une véritable frustration pour Liang, dégoûte à jamais celui-ci de la politique. Il organise encore, après la chute de Yuan, la réforme institutionnelle, mais, dès la fin de la Première Guerre mondiale, il se rend en Europe, ce qui est pour lui la réalisation d’un vieux rêve. Il sera profondément déçu. Il s’emploie à dénoncer surtout la montée du marxisme, son dogmatisme froid et son esprit de chapelle, qui lui rappellent le confucianisme et qui lui font perdre sa foi en la civilisation occidentale. À travers cette crise intellectuelle, il opére un revirement dans le sens de la «libération de la pensée». C’est pourquoi, de retour à Pékin, il organise une association appelée Libération et Reconstruction: non seulement il refuse désormais toute contrainte par l’esprit, mais il préconise la reconstruction intellectuelle de la Chine à partir des bases de sa propre culture. Les années suivantes, les dernières de sa vie, Liang est professeur d’histoire de la Chine, d’abord à Tianjin, ensuite à Pékin. Retiré de la vie publique, il publie, en un laps de temps relativement court, un grand nombre d’ouvrages de sinologie.
Encyclopédie Universelle. 2012.